Phong Nha, Ninh Binh : Voyage au centre des terres
Qui n’a jamais rêvé de voyager au centre de la Terre ? Imaginé ce qui pouvait se trouver en-deçà de la croûte continentale ou du manteau supérieur ?
A chaque fois que je rentre dans une grotte, l’enfant en moi a l’impression de pouvoir explorer les entrailles de notre planète. Alors imaginez mon enthousiasme quand je rejoins Phong Nha, surnommé « le royaume des grottes et cavernes ». Son parc national est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Il y a une multitude de grottes dans la région dont Son Doong, la plus grande grotte au monde. Pour la découvrir, c’est une expédition de quatre jours.
Pour ma part, je commence par « Dong Thien Duong » ou « Paradise Cave » en anglais.
C’est l’une des grottes les plus populaires. Après une ascension d’une petite demi-heure, je pénètre dans la grotte. Je goûte avec délectation à la fraicheur du lieu. Il fait plus de 40°C à l’extérieur. Un escalier en colimaçon me permet d’appréhender lentement sa taille et sa profondeur. Je suis éblouie par le spectacle qui se déroule devant mes yeux. Mis en lumière, des stalactites, des stalagmites, des voûtes aux dimensions impressionnantes. Les couleurs ocres, mordorées, bleutées, grises, vert d’eau me font parfois penser à des ciels peints à l’époque de la renaissance italienne. L’endroit est féerique d’autant plus que je découvre cet antre souterrain en quasi-solitaire. Si le chemin n’était pas balisé, je me prendrais pour un Indiana Jones à la découverte du centre de la terre et de trésors cachés. Je perds la notion du temps en admirant les longs cheveux lissés au fil des siècles et les différentes formations rocheuses. En fonction de son leur imagination, certains verront des animaux, des coquillages, des figures. Je prolonge ma rêverie bien après que je sois sortie avec l’envie de relire « Voyage au centre de la terre » de Jules Verne.
Les yeux encore pleins d’étoiles, je visite la première grotte découverte de la région « Phong Nha Cave ». Contrairement à « Paradise Cave » qui est une grotte sèche, j’accède à celle-ci par bateau. Ayant pour toile de fond des pics karstiques et de petites montagnes, on navigue en traversant villages et rizières avant de pouvoir s’enfoncer dans la première galerie. Moteur coupé, j’observe les jeux de lumières et les reflets des cavités dans l’eau.
Je ne peux m’empêcher de penser à l’histoire du Vietnam. Cette grotte servit de refuge lors de la guerre civile entre 1955 et 1975, d’hôpital, de lieux de stockage. Partout dans le monde, tant de lieux naturels (jungles, forêts, grottes…) ou construits (tunnels, traboules…) ont servi à se protéger, à se cacher, à survivre. Je pense instantanément à ces résistants, à ces hommes et femmes dont le courage ont permis notre liberté. J’ai toujours eu cette question en moi : « Qu’aurais-je fait à leur place ? ». Me retrouver dans ce lieu, inspectant chaque niche me fait considérer de nouveau cette question. Aurais-je eu le courage de m’opposer, de lutter ?
Dans ce décor magique, mon esprit vacille entre Histoire et beauté naturelle. Mais, je n’ai pas le temps de m’appesantir sur cette question philosophique. Je fais partie d’un tour organisé. Alors, après avoir découvert la grotte par la rivière souterraine, nous traversons quelques cavernes avant de rejoindre notre bateau. La beauté séculaire des lieux est sans pareille. Je me délecte de la splendeur de notre planète.
A Ninh Binh, la Baie d’Halong Terrestre, je suis entre Ciel et Terre. Ici, pas de bateaux moteur. Ce sont de petites embarcations de deux ou quatre personnes avec des rames « à pieds » ou des rames « à bras ». Au fil des trois balades que je fais à Tam Coc, Trang An et Van Long Nature Reserve, je navigue entre les rizières, les nymphéas, les champs de lotus et de petites grottes. C’est un voyage entre les terres où je perçois la vie agricole tout autant que la végétation aquatique et terrestre. Comme il y a peu ou pas de touristes sur chacun des sites, je les apprécie en solitaire avec le barreur. Nous échangeons peu de mots. Juste quelques sourires. Parfois, il m’indique une plante, une fleur, un relief. Une fois encore, c’est une balade hors du temps, dans une quiétude et une sérénité totales.
Ces dédales de canaux, cette diversité agricole m’incite à prendre de la hauteur. Un des points de vue connu sans risquer de se rompre les os en essayant de gravir un pain de sucre, est celui de Mua Cave. Après une ascension de quelques centaines de marches, la vue est à couper le souffle. J’admire une mer verte ondoyante dans toute son immensité. Parfois, des taches rouges permettent de remarquer les zones habitées. Ma seule compagnie est celle de Quan Âm ou Lady Buddha, qui me rappelle celle de Da Nang, la Déesse Marine de la Compassion.
Enivrée par tant de merveilles, je poursuis mon exploration de la région de Ninh Binh en visitant les terres historiques et spirituelles. En sillonnant les routes, j’aperçois des pagodes d’anciennes dynasties, nombre d’églises catholiques et des temples bouddhistes.
Tout d’abord, Hoa Lu. Elle fut la première capitale de l’état féodal du Vietnam au Xème siècle. Ici trois dynasties sont liées à son Histoire : celles des Dinh, Le et Anh Ly. En pénétrant dans le site en ruine, seuls deux édifices sont encore érigés. Par le faste des pagodes des Rois, on peut facilement imaginer leur influence économique voire politique sur la région. Les pagodes sont richement décorées. Il y a de nombreux jardins et bassins. Par certaines architectures ou sinogrammes, je perçois aussi la domination chinoise. Les chinois ont gouverné le nord du Vietnam jusqu’au Xème siècle. Leur civilisation a eu un grand impact sur les Vietnamiens tant sur les aspects culturels qu’agricoles ou linguistiques. Ainsi, la province de Ninh Binh et la visite d’Hoa Lu illustrent le début de mon voyage au sein d’anciennes contrées de l’Empire Céleste.
Mais avant de poursuivre vers les anciennes terres de l’Empire du Milieu, je fais un détour par le berceau du catholicisme au Vietnam. Il y a près de 1200 églises recensées dans la région, ayant pour la plupart une architecturale religieuse française. Je me rends ainsi dans l’une des plus fameuses : « Nhà thờ chính tòa Phát Diệm » ou « Phat Diem Cathedral ». La première chose que l’on aperçoit au-devant de l’édifice, sur la place centrale du village de Phat Diem, c’est un étang avec une statue du Christ-Roi qui le surplombe. L’agencement végétal et le positionnement de la statue est le reflet de ce lieu. C’est une élégante combinaison du style architectural des églises occidentales avec celui des pagodes vietnamiennes. Elle est remarquable par ses très grandes dimensions. Elle évoque à la fois une pagode et un palais impérial. La charpente apparente est recouverte d’une dentelle de sculptures. La nef construite en bois tranche par sa simplicité avec le chœur très richement décoré de rouge et d’or. Cette multitude d’influences pourrait perturber. Mais ce qui me saisit c’est le calme et la sérénité qui s’en dégage. Cela confère au lieu une atmosphère particulière où semble être conjugué le meilleur des deux mondes.
Dans la continuité de cette mixité, je croise par hasard un prêtre vietnamien parlant impeccablement français. Il s’apprête à faire une interview de l’archevêque du diocèse de Phat Diem. Nous échangeons pendant qu’il installe ses caméras. Il me parle de la Cathédrale, de l’histoire du Vietnam et des terres du Tonkin. Il conclut notre discussion en me disant que Phat Diem est un joyau architectural vietnamien, symbole de mixité, de diversité et d’échanges. Il y a un certain universalisme chez ce prêtre : tout est possible en prenant le meilleur de chacun, sans s’opposer mais en conjuguant ensemble. J’aime à croire que de nos différences naissent nos forces.
Enfin, je poursuis en me rendant au « Chùa Bái Đính » ou « Bai Dinh Temple ». Niché dans un écrin de verdure, c’est le plus grand complexe de temples bouddhistes actuellement au Vietnam. Tout au long des trois kilomètres de galeries, des centaines de « Arhat » dans des poses différentes mènent aux différentes pagodes, à un Stupa, à un Bouddha monumental et à une tour du haut de laquelle on a une vue spectaculaire sur la région. C’est assez étonnant d’ailleurs de suivre ces « Arhat ». Au départ, on regarde le premier, puis le second, puis on se lasse… d’autant plus que leur esthétisme est parfois tout à fait relatif. Mais les 500 « Arhat » tracent un chemin à suivre, forment une « présence » qui m’accompagne au travers de la découverte de ce lieu. Est-ce dû à l’odeur de l’encens ? A la ferveur des pèlerins présents ? Au thé offert pour « purifier mon âme » ? Au fur et à mesure, je m’imprègne de cet endroit et de son calme. Malgré la chaleur, une force tranquille guide mes pas jusqu’à l’ancien temple construit dans une grotte. J’y passe plusieurs heures sans me rendre compte du temps écoulé.
En rentrant à mon auberge, je regarde ce que sont ces « Arhat » que j’avais simplement pris pour des Bouddha. Je découvre que « dans les anciens textes indiens et dans le bouddhisme theravâda, l’état « d’Arhat » est le but final de la pratique bouddhique : l’atteinte du nirvāna, ce qui signifie l’élimination des afflictions, la fin des renaissances dans le monde de la souffrance saṃsāra … ». Alors, peut-être que ces quelques heures m’ont permis d’accéder à un nouvel état de conscience ? Qui sait ?
Ne vous avais-je pas dit qu’à force de voyager, je rencontrerai peut-être Bouddha…
Un commentaire
DUBOIS
Hello Sarah
Quel beau voyage culturel, émotionnel, spirituel et photographique tu nous fais partager, merci à toi. C’est fabuleux !
Je ne me lasse pas de te lire et de découvrir ses régions peu explorées et connues.
Merci
Bises
Corinne