Java

Expédition au Bromo


S’il y a une chose à faire à Java, c’est aller au Mont Bromo. M’y rendre fait donc partie de mes plans. En fuyant mon auberge à capsules, je renoue aussi avec la joie de rencontrer d’autres backpackers.

Avec ma chambrée, composée d’un couple de Barcelone, Juan et Esther, une jeune femme de Cologne, Henrike, et un écossais, Olie, nous organisons cette excursion.

Le départ de l’auberge est pour minuit.

Pour être en forme, je décide de me coucher tôt, vers 20h. Pour ceux qui me connaissent, c’est le milieu de la journée. Je suis un oiseau de nuit. Je tourne, je vire, j’essaie de compter les moutons. Impossible de fermer l’œil. J’égrène les minutes jusqu’à l’heure du réveil en discutant par WhatsApp et Skype. Vive le décalage horaire ! Il est six heures de moins en France.

Le réveil de mes comparses sonne. Nous nous préparons dans une gaîté comateuse pour notre expédition.

La jeep nous attend pour nous conduire au Mont Penanjakan et assister au lever du soleil. Olie a été plus malin que moi; il a pris la place à l’avant. Les quatre places à l’arrière sont en faite deux banquettes instables qui se font face. Pour voir la route, il faut avoir une posture d’arbre torturé que tout ostéopathe déconseillerait vivement.

Nous n’avons pas fait deux kilomètres qu’au son bruyant de l’embrayage et du moteur qui peine, toutes nos craintes se confirment. La route va être longue. Très longue. On se regarde amusés. Nos yeux se croisent et dans le silence assourdissant de notre Jeep, chacun essaye de rassurer l’autre.

Nous quittons rapidement la route goudronnée pour une route de caillasse. A chaque pierre, notre jeep soubresaute et nous aussi. Nous cherchons poignées ou montants pour nous accrocher mais ils sont inexistants. Alors, je me tiens à la portière avant en glissant mon bras par la fenêtre.

Au fur et à mesure que nous progressons sur cette route chaotique, nous sommes suivis d’autres Jeep . Certains chauffeurs klaxonnent car le nôtre ne va pas assez vite. A mon goût et celui de mes compagnons, la prudence est de rigueur. L’invité mystère, le brouillard, vient de faire son apparition et au dernier rebond de notre véhicule, la porte arrière s’est ouverte. Régulièrement, frisant le bord du précipice, notre chauffeur s’arrête pour les laisser nous dépasser.

Les musiques Rock de ma play list : Pearl Jam, Lenny Kravitz, Pink Floyd… semblent bizarrement entrer en cohérence avec notre voiture. Comme si toute l’énergie possible était donnée pour que notre vaillante monture puisse atteindre son point d’arrivée. Nous vibrons au rythme de notre « carriole ». Nous retenons parfois notre souffle dans des virages particulièrement serrés. Nous ne faisons qu’un.

Objectif atteint à 2h27. Notre chauffeur nous invite à attendre dans un « boui-boui », proche du point de vue, pour les deux heures à venir. Nous prenons café et thé pour nous réchauffer. Nous tendons nos mains vers les braises qui ont été placées comme des points chauds de fortune. C’est incroyable comme le fait d’approcher ses mains vers le feu est un geste universel. Nos visages rosissent à force d’être à proximité des braises rougeoyantes. Nous en profitons pour discuter et mieux nous connaitre. Esther et Juan font un voyage de six mois en Asie. Olie vient de passer plus d’un an en Australie et Henrike a commencé son tour du monde en Afrique. Nous échangeons sur nos voyages passés et à venir, sur ce qui nous anime, notre philosophie du voyage.



Vers 4h15, il y a du mouvement. De nombreuses Jeep débarquent leurs flots de touristes. Des vendeurs sortent des manteaux à louer, des gants et des bonnets à vendre. Ils cherchent les inconscients qui seraient venus en tee-shirt.

Nous quittons notre camp de base. Dix minutes à peine nous suffisent pour être en pole position. Nous sommes prêts. Nous n’attendons plus que le soleil fasse son apparition. C’est prévu pour 5h12 précises.

La foule s’agglutine. Les flashs crépitent dans la nuit noire puis s’affaiblissent à mesure que le jour se lève. Nous commençons à mieux observer notre environnement. Et nous ne voyons rien ! Le brouillard nous entoure. Notre visibilité est limitée à quinze mètres. Nous nous armons de patience et chacun y va de sa petite phrase : « Le soleil est plus fort que la brume » ; « Ce n’est pas encore l’heure, il n’est que 4h52 » ; « Que la force soit avec le Soleil » ; « Tout ça pour tester notre patience. On est là et on y reste ».

Je ne vais pas vous faire languir plus longtemps. Nous avons pu admirer le blanc des nuages puis le gris de la brume, les arbres et les feuillages qui luttent pour sortir du coton dont ils étaient prisonniers. Mais nous n’avons jamais vu le Mont Bromo !



Dépités, nous continuons à espérer car il commence à pleuvoir. Et tout le monde sait que la pluie chasse les nuages, non ? Quand l’averse devient de plus en plus dense, nous décidons d’attendre en prenant notre petit déjeuner dans notre gargote . Nous sommes tous les cinq convaincus qu’aujourd’hui, le soleil a décidé de faire une grasse matinée. Il va inonder la vallée de sa lumière d’ici la fin de notre collation. Tels des enfants, nous boudons en pensant que le soleil ne peut pas nous abandonner. Il doit nous permettre d’admirer le Bromo !

Le petit déjeuner pris, l’averse ne s’arrêtant pas, nous accusons le coup. Ça ne sera pas pour cette fois. Nous regardons le Bromo via nos smartphones pour nous consoler.



Nous reprenons la route en direction du cratère. Notre chauffeur nous assure que cette fois-ci, nous pourrons voir quelque chose.

Une fois arrivée, au-delà des dizaines de Jeep et malgré ce maudit brouillard, je découvre un paysage lunaire: un désert noir avec le Bromo en arrière-plan .

Pour l’atteindre, nous parcourons 3km entre sable et roches volcaniques. Parfois, des coulées de lave apparaissent permettant d’admirer les vagues et les crevasses qu’elles ont laissées sur son chemin.

Puis, une volée de deux cent cinquante marches ancrées dans le volcan nous attend. J’ai mis ma tête de « no way » pour les grimper car je suis blasée du nombre de selfies que l’on me demande. Je regarde mes pieds. Je « tire la gueule » comme dans le métro parisien et je redeviens invisible.

Une fois en haut du cratère, seule l’odeur d’œuf pourri nous révèle qu’un volcan est là et bien actif. Je capture quelques images, quand tout d’un coup une brève éclaircie me permet d’entrevoir le cratère.

Nous redescendons moins dépités qu’à aller ; heureux d’avoir aperçu l’antre du Bromo.



Au retour, comme il a plu, notre chauffeur fait preuve de dextérité pour ne pas s’enliser. Il jongle, à droite, à gauche, entre les trous pour que nous puissions poursuivre notre chemin. Nous lui demandons de nous arrêter pour faire quelques photos. « Trop risqué » nous dit-il. « Si je m’arrête, pas sûr que l’on redémarre ». Alors il continue sur sa lancée et nous traversons de sublimes paysages. Très aride, le sol de poussières volcaniques n’a laissé pousser que quelques arbres. Cette lutte entre Jeep, lave, roches et flore est perceptible. Cependant, plus nous nous éloignons du Bromo, plus la végétation qui entoure le cratère s’intensifie. Une fois la route goudronnée retrouvée, le chauffeur s’arrête. Dernière pause avant de rentrer.



Tous ceux qui sont allés au Bromo reviennent généralement avec des étoiles plein les yeux. Ils sont heureux d’avoir assister à ce spectacle exceptionnel, d’avoir senti vibrer ce volcan actif.

Selon notre guide, ce qui nous est arrivé, n’arrive quasiment jamais, peut-être une à deux fois par an. Alors nous aussi nous avons vécu quelque chose d’exceptionnel. 😉

2 commentaires

  • Jean-Luc SANJOSE

    Quelle aventure ! Ça me rappelle une sortie en bâteau, en août 2012, sur le fleuve-mer Saint Laurent au Québec. Nous avions embarqué depuis Tadoussac, très tôt le matin pour aller voir les baleines. Malheureusement les conditions étaient exécrables. Nous avons passé l’ensemble de la croisière sans aucune visibilité à traverser un épais brouillard nous empêchant de distinguer quoi que ce soit à plus de 50 mètres. Une ambiance lugubre entre nuit et brouillard, une mer d’un noir profond et parfois les silhouettes d’autres bateaux apparaissant et disparaissant tels des bateaux de pirates fantômes. Heureusement que des biologistes passionnés et maîtrisant parfaitement les lieux ont pu nous tenir en haleine sur le pont, au micro, tout au long de la traversée avec leurs histoires et leurs explications sur les baleines. Nous verrons tout de même à plusieurs reprises les indices de l’arrivée d’une baleine : des bulles à la surface suivies quelques minutes plus tard de l’énorme queue du cétacé remontant au dessus de la surface pour replonger dans la mer. Ton histoire m’a rappelé cet épisode avec des ingrédients communs : brouillard et espérances ! Bonne continuation dans tes aventures !

Répondre à Jean-Luc SANJOSE Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.