Histoire d'une chute

Histoire d’une chute : Arrêter tout

1er mars 2023, ce matin à 10 h 45, j’arrête ! J’enraye la folle frénésie des examens, des tests, des consultations en tout genre auprès d’une multitude de spécialistes : cardiologue, endocrinologue, médecin de médecine interne, gastro-entérologue, neurologue, ORL, ophtalmologiste, rhumatologue spécialisé en immunologie, néphrologue, médecin spécialisé en médecine physique et réadaptation, orthopédiste… Je capitule ! Jamais je ne saurais ce que j’ai… Et il faudra vivre avec !

Depuis le 22 octobre 2022, tous ces pontes ont œuvré pour découvrir la cause de mes différents symptômes apparus post-opération. Ils ont envisagé :

Différentes anémiesDiagnostic KO en octobre
Problèmes gastriquesDiagnostic KO en octobre
Deux types de cancerDiagnostic KO en novembre pour les deux cancers considérés
Un problème cardiaqueDiagnostic KO en novembre
Une hypotension orthostatique Diagnostiqué en novembre 2022.
Cependant, la situation s’est fortement dégradée depuis la mi-décembre 2022 et personne ne réussit à expliquer les raisons de son aggravation
Des problèmes d’oreille interne et d’équilibre posturalDiagnostic KO en janvier
Des problèmes ophtalmologiques divers, dont un potentiel glaucome
Diagnostic KO en janvier
Une lésion médullaireDiagnostic KO en février
Une sclérodermie Diagnostic KO en février
Une insuffisance rénaleDiagnostic KO en février
Des troubles du système nerveux autonome. C’est la seule vraie hypothèse, mais dont personne n’a pu établir la cause.
Aucun test n’a également permis formellement de la valider.
Ces troubles seraient dus à un traumatisme, à la chute ou à l’opération. Qui sait ?

Après 94 épreuves en tout genre en 129 jours pour lesquels il faut retrancher les 25 jours à Ao Nang, ce qui fait 104, RIEN… Avec une moyenne de 0,94 examen par jour (1 tous les 1,06 jours), le résultat c’est : « on ne sait pas ». Alors, j’arrête les frais !

Grâce à mon opération, tous ces tests et consultations, j’ai exploré presque tous les étages des 2 bâtiments principaux de Bumrungrad ! Sur les 20 niveaux, seuls 5 manquent à ma collection et tant mieux. D’ailleurs, c’est certain, je serais capable d’organiser une visite guidée les yeux fermés. Est-ce une compétence que je peux ajouter à mon CV comme celle de spécialiste « petites annonces le bon coin » ?

Aussi pendant plus de quatre mois, sept en comptant l’opération, je vis et fais endurer à mes proches cet enfer médical d’incertitude et de créativité sans limites.

180 examens en 211 jours (31/07/2022 – 01/03/2023), une moyenne de 1 tous les 1,2 jours (ou 0,85 consultation par jour) ! Beau score 🥳🥳, non ?

À ce propos, certains de mes amis me demandent si j’ai une carte privilège, fidélité ou autre. Elle n’existe pas ! Si j’en avais une, je n’ose songer aux nombres d’offres promotionnelles ou VIP dont j’aurais pu bénéficier. D’ailleurs, quel serait le type de cadeaux : 10 rendez-vous médicaux, le 11e gratuit ?

Tout cela laisse des traces indélébiles. Je voyage dans un wagonnet lancé à pleine puissance affrontant de terribles et interminables montagnes russes. Je jongle inlassablement entre bonnes nouvelles, quand les examens sont normaux, et terreur, lorsque de nouvelles hypothèses et tests complémentaires sont envisagés.

Je ne peux oublier que pour survivre, je renonce à tout ce que je crois, à tout ce que je souhaite afin d’accepter une seule chose : contempler le vide avec sérénité. Je ne peux omettre que pour tenir, j’ai dû me dissocier de moi-même et me couper de toutes mes émotions. Je ne peux taire que j’ai dû abandonner avec souffrance tout projet, toute envie, tout espoir, car l’attente déçue renforce l’abime immense dans laquelle je tombe plus profondément à chaque instant.

Alors aujourd’hui 1er mars 2023, je décide de rompre avec tout cela ! Certes, aucun diagnostic n’est posé. Et pourtant, j’arrête les investigations. Il faudra vivre avec et gérer au mieux les vertiges et les malaises à venir. Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Je n’ai aucune idée de quoi demain sera fait. Personne ne m’a mise au courant du moment où je pourrais reprendre ma vie, mes voyages ou une activité professionnelle. Je suis incapable de dire où je vais, quand, comment ou encore pourquoi, mais une chose est certaine, Baloo et mes anges gardiens seront à mes côtés.

Dans ce monde inconnu, j’essaie d’accepter ce qu’il y a quelques semaines ou mois me semblaient impensable : ne pas trouver de traitement, ne pas retourner au Vietnam et vendre ma moto. Si le concept intellectuel m’est évident, je dois bien avouer que la pratique me parait insurmontable, inenvisageable, une petite mort. Cependant, parfois le plus difficile ce n’est pas de tenir, mais de lâcher pour pouvoir créer autre chose.

Alors, en cette date symbolique, 3 ans après être arrivée au Vietnam, 1 an après en être partie convaincue que je rentrerais rapidement pour poursuivre mes projets, je décide d’arrêter de me cramponner à des illusions passées. Vendre mon fidèle destrier noir est possible. J’ai déjà cédé 35 m3 de souvenirs, une moto n’est qu’un objet de plus. De même, je ne retournerai pas au Vietnam, car le moment est venu de faire de la place pour accueillir autre chose.

À l’heure où j’écris je ne sais rien de demain : ni en matière de santé (vertiges, malaises, une nouvelle opération en septembre pour enlever mes vis), de lieu, de temps, de comment… Il y a toujours un premier pas. Je dois être optimiste en étant ouverte aux opportunités qu’offre l’avenir, mais aussi consciente de mes limites.

Seule dans un rooftop en face de l’hôpital, je regarde la vie aux sons de la salsa et des personnes qui se déhanchent sous son rythme endiablé.

Ce soir, je suis confiante. Je ne sais rien, mais je rêve de jours heureux, d’échappées belles et plus encore. Je ne sais rien, mais j’espère que je n’aurai pas à endurer prochainement une future descente aux enfers. Je ne sais rien, mais j’ai les ressources et la force pour avancer.

D’ailleurs, peut-être faut-il se détacher de ses ceintures de sécurité virtuelle, idéologique ou sociétale, pour vivre pleinement les choses. Peut-être doit-on oser perdre le confort, toute forme d’assurances, de certitudes pour pouvoir se trouver, se connaitre. Peut-être est-il nécessaire de se débarrasser du « faire », du « planifier », du « remplir », pour accepter purement et simplement « d’être ».

Tout cela est tellement loin du style de vie ou du mode de fonctionnement occidental, que le passage de l’esprit à l’âme pour être en paix est plus que complexe. Je ne crois pas avoir atteint ce niveau de sagesse. D’ailleurs, y arrive-t-on un jour ? La seule chose qui est certaine c’est que j’essaie. Ainsi, contempler le vide, aussi vertigineux soit-il, ramène sans l’ombre d’un doute à soi, dans toute sa vulnérabilité, son humanité.

Et puis observer nécessite moins de mots, moins de tête et plus de cœur et d’âme pour ressentir ce qui nous entoure. Pour la tchatcheuse que je suis, se taire est un effort incommensurable. Cependant, quand le silence se fait entendre, on perçoit les choses de manière plus lucide, plus juste afin de ne plus accepter l’inacceptable par peur, par loyauté ou encore par orgueil.

Alors oui, il en faut peu… mais un peu quand même pour se trouver. Voilà le chemin initiatique que je poursuis depuis trois ans en faisant plus confiance à mon intuition qu’à la raison.

Aussi aujourd’hui 1er mars 2023, je persiste en ce sens, en ayant foi en ma voie (et voix 😊) intérieure. Adieux les « il faut », les « tu dois », les « pourquoi », les « tu es » par d’autres que moi.

Je fais le vœu que l’optimisme et la croyance en un monde meilleur et plus grand me guident. Baloo et « Il en faut peu » m’accompagnent à chacun de mes pas. À moi de faire le premier en commençant par me relever.

PS La majorité de ce texte a bien été écrit le 1er mars 2023. Il est de reflet de mes pensées à cette date.

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