Cambodge

Phnom Penh

Phnom Penh est une ville aux multiples visages. Au fur et à mesure de mes pérégrinations, je la découvre.

Je commence par la ville des marchés : le marché central, le marché russe qui n’a de russe que le nom traduit du Phsar Tuol Tompoung , le marché Orussey, à ne pas confondre avec le marché russe, le marché de nuit et tant d’autres.

Tous les étals se mélangent. On y trouve toutes les pièces nécessaires pour réparer un scooter à côté des produits ménagers. Quelques allées plus loin, les vêtements et les babioles kitch et en toc. En son centre, la partie bijouterie de pacotille ou de valeur. Tout se confond dans un savant panachage. Plus loin, le marché alimentaire. Tout autour des vendeurs ambulants de poulet ou cochon rôti, de « fried rice » ou « fried noodles » ou encore de noix de coco fraîches.

A chaque fois que j’entre dans un marché, c’est une évasion. Un monde s’ouvre. C’est un labyrinthe où il est aisé de se perdre et d’oublier la notion du temps. J’ai le sentiment de rencontrer les habitants et de décrypter leurs us et coutumes. Certains me regardent amusés et me demandent de les prendre en photos. D’autres se demandent si je me suis perdue. A chaque fois que je croise leur regard, je me questionne sur leur vie, leur histoire. Peu parlent anglais. Ils savent uniquement annoncer un prix ce qui limite cruellement les échanges.



Me promenant le nez au vent, je découvre ainsi l’architecture coloniale de la perle de l’Asie, les nouvelles tours à peine érigées mais aussi des habitats faits de briques et de tôles. Cette profusion de luxe à l’abord de certains portails, en comparaison des taudis quelques rues plus loin, procure un sentiment de malaise. Par hasard, je passe devant un monument blanc gigantesque. Il s’agit de « l’Anti Corruption Unit ». Pour qu’un tel bâtiment voit le jour, je me questionne sur la provenance des fonds nécessaires. Est-ce simplement l’ironie du sort ?

Je poursuis entre route asphaltée dotées de trottoirs aux abords des quartiers chics et des ambassades et route de graviers. La différence de quartier se perçoit aussi au nombre de câbles électriques visibles dans la rue. Cet enchevêtrement entre dénuement et excès donne l’image d’une ville en plein chaos.

Mes pas me mènent ensuite au Monument de l’Indépendance. Pour relier le monument de l’amitié Cambodge – Vietnam, je parcours le parc « Neak Banh Tuek ». En fin de journée, quand la chaleur s’estompe, les Cambodgiens font le tour du parc en courant et en marchant. Là encore, on distingue les différentes classes sociales. Je les regarde tourner en cadence. Certains gesticulent dans une danse un peu grotesque avec leurs tenues de sport flambant neuves tandis que des enfants habillés simplement jouent au football avec un semblant de balle. Le contraste et la fracture sociale se ressentent où que je pose les yeux. Cependant, je ne suis plus choquée. Est-ce que je m’habitue à la pauvreté ? Au paradoxe ? Peut-on devenir insensible pour se protéger et continuer à avancer ? Peut-être.



Le lendemain, je me rends au palais royal. J’y découvre la salle du trône et la pagode d’argent. A l’intérieur un Bouddha d’émeraude, des Bouddha en or massif, un amoncellement de richesses et des dalles en argent. Ce déballage ostentatoire a quelque chose d’indécent au regard de la situation du pays. Plus loin, dans un jardin ombragé, il y a de petits temples. J’y rencontre un fidèle qui m’invite à profiter de la fraîcheur du ventilateur. Il ne parle pas anglais. Alors seuls nos regards et nos sourires se répondent. Je comprends qu’il m’incite à me recueillir devant Bouddha. Il me tend des bâtons d’encens et me guide dans le cérémonial. Alors, je répète ce que Jeab m’a appris à Chiang Mai, je ferme les yeux et je me concentre. Quand j’ouvre les yeux, il semble reconnaissant. Les mystères de Bouddha sont impénétrables.



En longeant les berges du fleuve Tonle sap, je rejoins le temple de Wat Phnom. Il se situe sur une colline artificielle au nord de la ville. En haut de l’escalier, je rentre dans le temple. Je tombe sous le charme d’un enfant qui prie. Il imite sa mère. De temps en temps, il jette des coups d’œil au plafond et autour de lui tout en s’assurant de ne pas être surpris. Puis il referme les yeux. Le temps lui semble long alors il commence à s’agiter. Quand il sent que sa mère commence à bouger, il ouvre « officiellement » un œil. Du haut de ses quatre ans, ce petit bonhomme veut tout faire comme un grand. Je fonds devant sa frimousse et son regard espiègle quand je remarque avec quelle application il va placer sur la pointe des pieds ses bâtons d’encens en face de Bouddha.



Sur le chemin du retour, j’aperçois la « Maison Kayser ». Après vingt-cinq kilomètres à pied en deux jours, je ne résiste pas au plaisir de la boulangerie française. Alors j’entre. Je commande une fougasse aux olives et un thé. C’est un vrai moment de bonheur. Je déguste chaque bouchée en lisant. Je suis en dehors du temps et des lieux pour quelques heures. Cette bulle de confort m’apaise et me procure une sécurité affective.

Le jour suivant, une journée dans l’horreur des Khmers Rouges m’attend au travers des « Killing Fields » et de « S21 ». J’appréhende le théâtre des atrocités et un nouveau visage de Phnom Penh.

Pour me remettre du choc du génocide cambodgien et de ses monstruosités, je pars avec une backpacker française, Antilia, à l’île de la soie. Nous sommes à la campagne. Nous croisons des zébus et des fermiers. Nous sommes loin du bruit, du monde, des touristes et des tuk tuk. Nous louons des vélos et nous parcourons l’île au rythme des tac tac tac des métiers à tisser. Nous nous arrêtons pour voir le fonctionnement de ces machines semi automatiques. Un couple nous accueille tout sourire et nous explique par des gestes les différents mécanismes. Là encore, tout se passe avec des jeux de regards, de sourires et de signes. Nous sommes impressionnées par l’ingéniosité et la rapidité de réalisation. Nous profitons de notre journée au vert et au soleil pour nous ressourcer et apprécier encore une nouvelle facette de la capitale.



Avec Antilia nous nous rendons à « Diamond Island City ». C’est une île où les Chinois ont fait des investissements massifs. Incrédules, on a l’impression de se balader sur la croisette de Cannes le long du fleuve. Plus loin, nous découvrons un arc de triomphe inspiré de celui de Paris, bâti par un architecte chinois pour exprimer son admiration pour la culture et l’art français. Des bâtiments énormes sont en cours de construction. Les rues ont des noms français pour affirmer le raffinement de l’endroit qui n’en a aucun. On a la sensation de se promener entre Disneyland et les décors vides d’un studio hollywoodien. Nous parcourons « Elite Road » éberluées par ces constructions modernes sans âme et sans charme. Nous passons devant un futur complexe nommé « Elysée » et un « Love Park » qui se veut un jardin à la française. Ce nouveau quartier est une verrue. Loin de la culture cambodgienne. Atterrées, COP 25 parait bien loin quand on regarde ces édifices.



Antilia ayant un double Master en management interculturel et en management de projet humanitaire et culturel, nous partons dans un débat écologique, éthique et culturel. Nous nous interrogeons sur les impacts à long terme pour les pays en développement. Vous avez trois heures 😊.

Pour nous, la discussion se prolonge tard dans la nuit sur un roof top.

De là-haut, la ville semble uniforme et calme. Les bateaux aux néons fluorescents l’illuminent. La nuit camoufle ses secrets et ses masques.

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