Ride to the North – Part 1
Nous sommes le 12 juillet 2020, je viens de rejoindre Sa Pa. Retour sur les 1800 premiers kilomètres.
Je quitte Tam Thanh le 16 juin en direction de Da Nang. J’y suis déjà passée début mars. Je retrouve le confort et le tumulte de la ville. Je découvre pour le plaisir de mes papilles des canelés et des croissants. Chaque bouchée est une explosion de souvenirs de ma vie bordelaise, de ma famille, de mon pays. Sans vague à l’âme, cette première étape est réconfortante. Ce plaisir sucré me donne le courage d’avancer. Les miens, mes racines ne sont jamais loin.
Il y a aussi de nombreux étrangers et expats. Je rencontre anglophones et locaux en étant volontaire comme professeur d’anglais quelques soirs. Cela me rappelle qu’il est si évident d’échanger, de rencontrer dès que l’on ose. Lorsque on est isolé, on oublie parfois la simplicité de discuter, de partager. A chacune de mes rencontres, un nouveau lien se tisse. Cela m’encourage pour le voyage que je m’apprête à faire tout en entretenant mon désir de revenir.
Une semaine passée à vivre sans me poser de questions, l’impulsion qui me manquait pour me lancer est là. J’ai peut-être simplement mis en œuvre une belle citation de John Lennon « La vie, c’est ce qui arrive quand on a d’autres projets. » J’ai donc retrouvé ma voie. Je poursuis mon équipée telle une vraie bikeuse avec soif d’aventures et une confiance renouvelée.
Et quel bonheur, je commence par la route mythique entre Da Nang et Hue. Je passe par le col des nuages puis je bifurque un peu vers les montagnes pour profiter des sources.
Quand j’arrive à « Elephant Springs », une famille vietnamienne me fait signe de les rejoindre. Ils souhaitent partager leur repas avec moi. Je passe l’après-midi avec eux à me baigner et à échanger grâce à « Google Translate ». Mon inquiétude d’être seule au monde lors de mon voyage vole en éclat. Il en faut peu… Un peu d’audace peut-être. Un peu de courage… pour qu’un moment anodin devienne unique. Chacun de leur sourire est gravé. Je suis à ma place sur la route et à la découverte du monde.
Je reprends mon destrier et je longe la côte pour rejoindre Hué. A mon arrivée, je me pose au hasard dans un café. Comme s’il me fallait un signe de plus, une citation que j’affectionne est écrite sur les murs : « La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. ». Mon voyage est placé sous de bons auspices. J’en suis convaincue.
Je reste dans la cité impériale quelques jours puis je poursuis en prenant la « Ho Chi Minh Highway ». C’est une route fabuleuse qui traverse tout le Vietnam de Saigon à Hanoi. Pour m’orienter je m’appuie sur le blog « Vietnam Coracle ». Nombre de routes du Vietnam y sont décrites afin que chacun puisse réaliser le voyage qui lui correspond. C’est une vraie source d’inspiration et de conseils.
Mais comme chacun le sait, il y a une différence entre fantasmer le voyage depuis son canapé et le vivre. Avec Baloo accroché solidement à mes clés de moto, nous sommes prêts pour la réalité. Et il nous faut une bonne dose de témérité pour affronter le trafic de scooters, de voitures, de camions sans compter les animaux aux abords et au milieu de la route. Et puis, il y a les éléments : pluie, vent, soleil de plomb ; les odeurs de bouse, de gaz d’échappements ; les routes de caillasse, de terre, pleines de trous lorsqu’elles ne sont pas asphaltées. Mais pour rien au monde, je n’échangerais ma place.
Au fil des kilomètres, les paysages changent. Je quitte la côte pour les routes sinueuses de montagne. La route traverse collines et vallées verdoyantes. Les couleurs sont saisissantes. Une multitude de verts allant du vert impérial au vert anis et de jaune couleur ambre, blé ou beurre frais. Cascades et rivières forment des veines apparentes de couleur bleu argenté. Par la chaleur qui règne, elles représentent une oasis de fraîcheur dans laquelle on rêve de se jeter.
Aux alentours de Phong Nha se dessinent au loin des pains de sucre. Ces pitons rocheux apparaissent le long des rizières et des champs de maïs. Tels des crocs, ils donnent l’impression qu’ils vont se refermer sur les sentiers que je traverse. J’y fais une halte de quelques jours pour voyager au centre de la terre.
Puis, je reprends ma route vers le Nord en longeant la frontière laotienne pour découvrir les montagnes de thé. Les plantations en terrasse semblent dessinées. L’ensemble donne l’impression de vagues qui viennent se jeter dans les fleuves, les lacs ou les prairies avoisinantes. En fin de journée, l’odeur du thé fraichement coupé est un enchantement. Pour explorer les alentours, je m’aventure sur de petits chemins tortueux où je croise plus de vaches, de coqs et de chiens que d’humains. Je zigzague entre les vaches. J’ai l’impression de faire un slalom géant sur des chemins tortueux. En traversant ces contrées reculées, je découvre des « villages rue », les habitats de bois ou les maisons de pêcheurs sur les fleuves. J’observe la vie des paysans. Cela me fait penser aux récits de la vie paysanne en France au XIXe siècle. Ils ne ménagent pas leur peine. Quand ils me voient, ils sont curieux et tout sourire. Ils ne laissent rien percevoir de la difficulté de leur labeur sous ce soleil de plomb. On se fait de grands gestes, des « hello » et ils retournent à leurs travaux.
Continuant mon périple, j’atteins la partie méridionale du fleuve Rouge et la baie d’Halong terrestre. Ici, c’est un voyage au cœur des terres et du passé. Je suis émerveillée par la beauté naturelle, spirituelle et historique de cette région. Je m’y arrête quelques jours avant de poursuivre toujours plus au Nord en direction de Sa Pa.
Au fil de la Ho Chi Minh Highway, je quitte les plaines et les pics karstiques pour rejoindre les hautes montagnes. Je ne me lasse jamais des panoramas que je découvre à l’occasion d’un virage. Mon itinéraire est source de nombreuses surprises naturelles. L’immensité des lieux, la beauté de la route me transportent.
Alors que je suis tranquillement les courbes de la QL43 pour me rendre de Môc Châu à Mù Cang Chai, sans que mon ami google.maps m’avertisse, il n’y a plus de route. Elle reprend après un lac. Je dois embarquer avec ma moto sur un petit bateau qui fait la navette. C’est l’occasion d’assister à des scènes de la vie quotidienne : un homme qui transporte des chèvres dans un panier, un autre qui va faire ses courses dans le village de l’autre côté de la rive… La surprise qu’ils voient sur mon visage les amuse. Pour eux, la traversée est quotidienne et habituelle.
Plus je roule vers les territoires du Nord, plus le temps change. La chaleur accablante laisse place à la fraîcheur puis à la pluie. Les derniers 250 kilomètres avant de rejoindre Sa Pa se font d’ailleurs au gré des déluges et des averses.
Alors, je m’arrête dès que l’ondée est trop virulente dans le premier café ou gite que je trouve. J’y rencontre des hommes, des femmes et des enfants issus de tribus. Ils sont vêtus de costumes traditionnels.
Je perçois les différences culturelles avec les minorités ethniques de Kon Tum, à minima vestimentaire. Par ailleurs, les terres sont plus reculées mais il semble que le développement touristique dans cette région a eu un impact sur leur mode de vie. Leur approche vis-à-vis des étrangers est différente. Elle me parait plus intéressée. Cette perception se confirme lorsque j’arrive enfin à Sa Pa.
Cette bourgade me fait penser à une station de ski bétonnée en haute saison. Aux hôtels se succèdent les restaurants, les bars, les cafés, les centres de massages, etc…
Après la solitude et la quiétude de la route et des villages, j’ai le sentiment d’avoir rejoint une usine touristique. D’ailleurs nombre de femmes et d’enfants en costumes traditionnels me sautent dessus pour me vendre des bibelots ou contre quelques dollars me proposent de prendre une photo.
L’ascension du Mont Fansipan, le toit de l’Indochine est lui aussi transformé en parc d’attraction.
Il faut faire abstraction de tout cela pour découvrir les splendeurs de Sa Pa et de ses alentours : la beauté de la nature, le bruit des oiseaux au coucher du soleil, les pagodes englouties par le brouillard en haut du mont Fansipan. C’est face à un océan de verdure que je décide de rester quelques jours avant de poursuivre mon expédition dans le Nord.