Ma dernière aventure vietnamienne — 2nde Partie
Ho Chi Minh City! Enfin ! La dernière fois que j’ai foulé les rues de cette ville, admiré ses lumières, sa vie fourmillante, c’était il y a près de deux ans. Quand j’arrive à mon hôtel, je suis heureuse d’avoir pu réaliser ce voyage à moto et planté le décor de futurs reportages avec mon frère siamois. Encore une fois, je me dis que l’avenir sourit aux audacieux. Ma ténacité a eu raison. Je sais que je suis sur la bonne voie et que je trouverai une histoire à dormir debout pour l’immigration. Je ferai donc le retour par la côte vers Da Nang et quitterai le Vietnam fin février.
Cependant, je n’avais pas réalisé que toute l’énergie déployée pour faire face aux diverses adversités m’avait tant coûté. Dans la nuit, j’ai de la température. Elle monte jusqu’à 41. Je ne peux pas aller à l’hôpital, mon visa expire dans quelques heures. En plus, s’ils pensent que j’ai le Covid, ils vont me mettre en quarantaine puis me placer immédiatement dans l’avion, direction « Maison ». Et dire que mon « bateau » pour l’immigration était justement à base de covid. J’avais imaginé raconter que toute ma famille et mes proches étaient en isolement et que je n’avais, de fait, pas de lieu où résider en France. Ça ne vous rappelle pas l’histoire de l’arroseur arrosé tout ça ?
Cerise sur le gâteau, je viens d’apprendre que toutes les administrations sont finalement fermées ce 31 janvier 2022. Les vacances de Têt ont commencé le vendredi 28 à midi quand j’étais dans la pampa entre Buon Ho et Quang Son. Donc, clouée au lit, il n’y a plus qu’à attendre le 8 février, se soigner et ne pas faire de vagues, car je suis maintenant clandestine.
Les jours qui suivent sont fiévreux, délirants, comateux. Je les passe enfermée. Je fais de la distanciation sociale au maximum pour éviter tout contact. Je me fais livrer mes médicaments et à manger. Quand je ne dors pas, je suis sous la douche soit glacée, car je meurs de chaud, soit brûlante, parce que je suis proche de l’hibernation. Je passe quatre journées à ce régime-là. Mais, au réveil de la 5e, je suis fraîche comme une rose. Ce n’était donc rien de bien méchant.
Mon acolyte étant parti dans le delta du Mékong, je me dis qu’il n’y a rien de mieux qu’une bonne balade à moto pour me remettre complètement d’aplomb. Comme il ne me reste que 25 jours au Vietnam, je veux en profiter au maximum. En plus, nous avons repéré des sujets potentiels à traiter : un sur le chocolat et l’autre sur Marguerite Duras à Sadec.
Aussi, le 4 février, je saute sur mon bolide pour une nouvelle aventure. Cette fois, il faut à plusieurs reprises emprunter des embarcations de tous types pour franchir certains bras fluviaux. Comme nous sommes pendant la période des vacances de Têt, je prends chacun des bacs avec des dizaines de Vietnamiens qui se rendent dans leurs familles. Seule étrangère ou presque, c’est une immersion grandeur nature dans la vie locale. J’observe des parents avec leurs enfants, 3 ou 4 sur un scooter, manger en attendant le départ, d’autres discuter, regarder Facebook ou une série sur leur téléphone. Certains arrivent même à faire des siestes dans un brouhaha infernal. J’emprunte de petites routes goudronnées qui traversent les villages.
De nouveau, comme au début de mes pérégrinations vietnamiennes, je suis accueillie avec beaucoup de bienveillance et de gentillesse. La peur du covid a quasiment disparu. Ils sont heureux de revoir des personnes se balader et de pouvoir échanger quelques mots. Et puis, comme d’habitude, une femme seule sur sa moto, cela attise la curiosité. Alors, c’est avec joie que je retrouve ces badinages fugaces dans des cafés ou au bord de la route. Je découvre aussi avec bonheur cette région. À mon arrivée au Vietnam, j’avais pris un bus de Can Tho à Saigon. Cette fois, j’apprécie sa végétation luxuriante. Ce n’est pas pour rien qu’elle est surnommée le verger du Vietnam et reconnue comme le grenier à riz du pays. Après une superbe journée, je rejoins mon acolyte à Soc Trang.
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Le lendemain, nous nous rendons dans un temple à quelques kilomètres de là. Mahatup Pagoda également appelé Bat pagoda ou Chua Doi en vietnamien est un monastère khmer. Il est réputé pour abriter des colonies de chauves-souris dans les arbres qui l’entourent. L’attraction est donc de partir à la recherche de ces mammifères placentaires. Mais quand on en a vu une, on en a vu cent et la chasse perd de son attrait. En revanche, si vous avez de la chance, vous pourrez entendre de jeunes garçons jouer de la musique traditionnelle. D’ailleurs, savez-vous que l’UNESCO a reconnu pour le Vietnam six sortes de chant comme patrimoine immatériel de l’humanité ?
- 2017 : Le chant Xoan de la province de Phú Thọ
- 2014 : Les chants populaires ví et giặm de Nghệ Tĩnh
- 2013 : L’art du đờn ça tài tử, musique et chants des régions du Sud
- 2009 : Les chants populaires Quan Họ de Bắc Ninh
- 2009 : Le chant ça trù ou chant des courtisanes
- 2008 : Le Nha Nhac, musique de cour vietnamienne
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De là à vous dire lequel nous avons écouté, c’est bien trop me demander.
Puis, en fin de matinée, nous reprenons par de petits chemins la direction de Sadec. La campagne est verdoyante : rizières, palmeraies, vergers. C’est passionnant de regarder les fermiers s’occuper de leurs plantations. Tout semble être fait manuellement. On ne voit que très peu de tracteurs ou machines modernes. Par ailleurs, on apprend que le Vietnam veut développer pour la région du delta du Mékong une agriculture verte afin d’augmenter son rayonnement en Asie du Sud Est. Évidemment, notre créativité est en ébullition et nous planifions déjà de revenir pour nous documenter et publier des articles.
Quand nous débarquons à Sadec, le cadre change totalement. Nous sommes dans une ancienne ville coloniale. Son architecture d’un autre temps nous emmène en voyage. Mais, comme à notre habitude, nous devons rejoindre avant toute chose notre guesthouse, car la nuit pointe le bout de son nez.
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Une fois sur place, il faut franchir un minuscule petit pont en bambous pour accéder aux bungalows en bois. De part et d’autre de la « passerelle », un étang marécageux. À cette vision, je me sens tomber moi et mon fidèle bolide. Mon imagination fertile me permet de voir en accéléré un mauvais film où je n’arriverais pas à bien maîtriser la trajectoire et où j’atterrirais, de fait, irrémédiablement, les quatre fers en l’air, dans l’eau boueuse. Je me visualise trempée, ma moto et mes affaires dans la vase. La suite ? Des hommes qui me lanceraient des cordes pour remonter le talus haut de 1,50 m/2 m et qui essaieraient à l’aide d’un treuil artisanal de ramener mon destrier noyé à la surface. Peut-être est-ce la fièvre qui me reprend. Je vais être raisonnable, je vais franchir le pont sans mon intrépide allié noir. Dans certains cas, les pieds, c’est plus stable que des roues. Il faut en avoir conscience.
Le jour suivant, je suis de nouveau légèrement souffrante. La visite de l’ancienne maison de Huynh Thuy Le, reconnue comme celle de « L’Amant » de Marguerite Duras, le village de fleurs de Tan Quy Dong, les différentes pagodes devront attendre. Nous prenons la décision de rentrer sur Saigon. Le trafic étant extrêmement dense et mon état de santé assez moyen, nous roulons doucement en faisant une étape intermédiaire pour éviter tout problème.
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J1 – 04/02 : HCMC => Soc Trang : 206 km
J2 – 05/02 : Soc Trang => Sadec : 162 km
J3&4 – 06-08/02 : Sadec => HCMC : 145 km
Total : 513 km
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Le 8 février, comme convenu, je vais à l’immigration. Il y a un monde incroyable : des dizaines voire centaines d’étrangers accompagnés ou non d’agents venant défendre leur situation. Moi qui culpabilisais de jouer avec les règles, je me rends compte, stupéfaite, que je ne suis pas la seule, loin de là. Et pour preuve, le processus mené par les fonctionnaires est bien rodé. Dans cette logique, est placardé partout le montant des amendes liées à la durée de l’overstay. Cela doit donc être une pratique acceptable ici. Imaginez-vous la même chose en France ?
Bref, je prends un ticket, j’explique ma situation. Puis je dois remplir un certain nombre de documents énonçant les motifs du dépassement de la date autorisée. Je suis prolixe dans mon baratin à base de Covid. Enfin, je suis convoquée devant une personne dédiée à l’étude des cas. Il jette à peine un regard à ma prose. Il me demande de lui présenter les faits. Il me coupe, me dit que ce n’est pas un argument valable. Je fais l’ingénue m’excusant platement et je me rends compte que nous jouons tous les deux à merveille notre partition. Il me gronde. Je baisse la tête. De nouveau, je fais amende honorable. Puis, il m’informe qu’une prolongation me sera accordée afin que je quitte le pays le 28 février. Je dois revenir dans 8 jours pour récupérer mon passeport.
Je passe la semaine à me balader, à lire et à préparer mon retour en France. Puis le 14 février, je reçois mon sésame. Ce dernier en poche, avec mon acolyte, nous calons notre départ pour Da Nang dès le lendemain. Nous aurons 10 à 12 jours pour rentrer. Cela devrait nous laisser suffisamment de temps pour profiter sans pression de cette nouvelle aventure. De plus, cette fois, c’est moi qui planifie l’itinéraire et les étapes avec mon meilleur ami Google Maps et non Google Earth.
Pour initier cette ultime bulle de road trip vietnamien, rien de mieux que de commencer par une traversée en bateau. Je ne sais pas pourquoi, mais le fait de prendre la mer m’a toujours donné l’impression d’un renouveau, d’un départ vers une exploration lointaine. Peut-être, y avait-il quelques siècles auparavant, dans ma famille, des navigateurs, des découvreurs de terres inconnues.
Ainsi, nous quittons Hô Chi Minh City pour le Sud. L’idée est de trouver un ferry nous permettant de rejoindre Vung Tau. Comme espérée, cette mini-croisière a un goût de vacances, de dépaysement et de liberté. J’ai 7 ans. Je profite du soleil, du vent sous un ciel bleu d’été en hiver, des embruns et de l’immensité de la mer de Chine Méridionale. C’est magique. Cela ne dure que soixante minuscules minutes. J’aimerais que cela continue pendant des heures.
Arrivés à Vung Tau, station balnéaire prisée les citadins de Hô Chi Minh City, je me demande où j’ai atterri. Ancien port commercial, baptisé Cap Saint Jacques par les Français, cette ville est devenue le spot de villégiature par excellence. Ils y ont même érigé en 1974 au sommet de la colline Nui Nho (Petite Montagne), une statue, « le Christ Roi », de 32 mètres de haut. Les locaux en sont fiers. Elle rivalise avec celle du « Christ Rédempteur » de Rio de Janeiro au Brésil et est l’attraction phare de la région. Mais cela manque d’authenticité. Alors sans hésiter, nous enfourchons nos bolides direction Mui Né.
La zone étant très touristique, c’est saisissant à quel point les routes sont larges, bien asphaltées et désespérément plates sur des dizaines de kilomètres. Le trajet est monotone. Parfois, nous apercevons la mer et des marais salants. Cela égaie un peu le chemin. Mais, en dehors de cela, c’est une morne plaine défigurée par des hôtels de bord de plage tout du long.
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Lorsque nous arrivons à Mui Né, nous sommes transportés en Afrique, dans le Sahara. Des balades à dos de chameaux ou en jeep, des descentes de dunes en luge sont proposées. Aventuriers que nous sommes, nous préférons partir à pied à travers des montagnes de sable. Les couleurs sont sublimes : terre de Sienne, ocre-jaune, or, crème. Poursuivant notre chemin, sous une chaleur accablante, tels des marcheurs dans le désert, nous croyons voir un mirage : une étendue bleue encerclée de blanc. C’est en fait le lac lotus. C’est absolument surréaliste, magique et saisissant. Nous sommes émerveillés comme des gosses. Et ce n’est que le début. Ce sentiment perdure lorsque nous longeons la rivière des fées qui traverse les collines sauvages ou que nous admirons, au sommet d’une dune, le soleil se jeter au loin dans la mer de sable.
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Il y a quelque chose de magique ici. Cette allégresse enfantine, d’apprentis Touaregs, nous enveloppe. Nous dégustons sur la plage une succulente langouste grillée sous les lueurs de la Voie lactée. Puis, tout d’un coup, les voix hurlantes et mal ajustées de nos voisins de table se font entendre. Une session de karaoké improvisée vient de s’organiser. Nous éclatons de rire. Nous sommes bien au Vietnam et non au pays des hommes bleus.
Le lendemain, nous partons pour Phan Rang. Sur le chemin, nous nous arrêtons pour découvrir des marais salants. Nous observons des hommes et des femmes en sueur trimant pour récupérer l’or blanc. Ils utilisent la technique dite du « séchage de l’eau » qui consiste à récolter le sel dès que l’eau de mer s’est évaporée. Ils ne ménagent pas leur peine, mais en nous voyant, ils nous racontent l’histoire des saliniers, de leur famille, le prix de leur dur labeur ainsi que leurs difficultés. C’est une vie de forçat. Mais, à aucun moment, ils ne se plaignent. Au contraire, ils ont du travail, peuvent subvenir aux besoins de leurs parents/enfants. C’est suffisant. Quelle leçon d’humilité ! Nous prenons beaucoup de photos et de vidéos. Aussi, ils nous demandent simplement de revenir les voir et de les aider à « promouvoir » le sel de Ca Na. Évidemment, nous le ferons !
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Changement de décor, de lieu et de temporalité à Phan Rang. Nous allons à la rencontre des Chams, peuple d’origine malayo-polynésienne ayant constitué le royaume du Champā entre le IIe et le XVIIe siècle. Mon complice ayant mené l’enquête bien avant notre arrivée, il sait que des descendants de la civilisation Cham vivent encore dans la région.
Aussi, notre première idée est de nous rendre à Panduranga, dernière capitale du royaume et à quelques kilomètres de Phan Rang. Nous visitons le musée dédié aux Chams puis nous explorons le site de Po Klong Garai. On y observe de nombreux vestiges notamment des ensembles religieux et des stèles gravées en sanskrit…
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Malheureusement, malgré quelques indices, nous n’avons pas le temps de poursuivre notre investigation pour de futures interviews. Là encore, il faudra revenir. La liste de nos reportages à venir ne fait que s’allonger. Espérons que nous pourrons les concrétiser dans un avenir proche.
En quittant Phang Rang, nous délaissons le bord de mer pour rejoindre Dalat. Je n’y suis jamais allée et c’est a priori un incontournable. Alors, en cet après-midi de notre quatrième journée de voyage, nous retrouvons la joie des routes sinueuses de montagne, les arrivées de nuit et la fraîcheur.
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Une fois sur place, nous sommes surpris par le monde et le trafic. Moi qui pensais atterrir dans une charmante et petite station de montagne, je n’avais pas idée que nous nous rendions dans une usine ultra touristique. Cela me rappelle Sapa, dans le nord du Vietnam. La région est splendide, mais le centre-ville est envahi et ravagé par le tourisme de masse et tous ses excès. Nous abandonnons donc nos motos pour découvrir la ville à pied.
Nous commençons notre visite en admirant les façades de cette cité à l’architecture coloniale. Certains édifices ou villas font penser à la Normandie ou bien au Pays Basque. Puis nous poursuivons par un petit tour du lac qui est un écrin de nature au cœur de la fourmilière. Connaissant mon âme d’enfant, à la nuit tombée, mon frère siamois souhaite m’emmener quelque part.
De l’extérieur, je me demande bien ce qu’il a de spécial. C’est une bâtisse comme les autres, peut-être un peu de guingois, mais rien de plus. Puis, nous entrons. Seul mon complice reçoit les consignes. L’unique chose que l’on me propose, c’est de prendre à boire, car après personne ne sait combien de temps il nous faudra pour revoir le jour. Ça met en confiance ! Merci !
On passe le tourniquet et tout d’un coup, je suis projetée dans un monde fantastique. Je suis dans un labyrinthe géant. Chacune des pièces à sa propre dimension. Les décors, les peintures, les escaliers ou échelles, les différentes cavités… nous font perdre le sens de l’orientation et toute notion de durée. Dans la pénombre ou simplement à la lueur de bougies, je me faufile dans l’antre de Neptune puis je m’enfonce dans la jungle avant d’atteindre un salon colonial du XIXe. Ce lieu est incroyable ! Une fois de plus, j’ai 7 ans, des étoiles pleins les yeux et je m’émerveille de tout !
Au bout d’un certain temps, nous accédons enfin au centre du labyrinthe : le toit-terrasse du bar. De là, nous admirons les lumières de la ville. C’est sensationnel. En plus, nous sommes les seuls clients ce qui donne une impression d’immensité hors du temps. J’en savoure chaque instant et j’explore chaque recoin. Nous restons quelques heures dans ce bar incroyable. J’ai besoin d’un long moment avant d’être prête à retrouver la réalité.
Émerveillée par l’expérience de la veille, j’entends parler de la « Crazy House ». Il paraîtrait qu’elle est dans le même esprit que le « Maze Bar ». Cependant, dans la cohue du lieu, inspiré, me semble-t-il, d’un univers Walt Disney déjanté et des œuvres de Gaudi, j’ai le sentiment d’être piégée dans une attraction touristique pour les gogos. La magie est retombée. Il est temps de retrouver un peu de simplicité.
Nous décidons ainsi de quitter Dalat pour nous réfugier dans les hauteurs, au bord du lac Duong. C’est l’opportunité de séjourner dans une plantation de café. À cette occasion, on y découvre la production du Kopi Luwak. Récolté dans les excréments d’une civette asiatique, c’est le café le plus cher du monde. La tasse valant quelques dizaines d’euro, avis aux amateurs.
Après le lac Duong, il nous reste cinq ou six jours pour arriver à Da Nang. Mon binôme a envie et besoin de rouler. Au fil des kilomètres, on sent bien que le cœur n’y est plus. Nous sommes perdus dans nos propres pensées : le retour en France, la fin du road trip, l’inconnue face à l’avenir, la reprise potentielle du tourisme au Vietnam qui changera la donne…
C’est un fait, dans cinq jours, tout sera différent. Nous cherchons à profiter de l’instant présent notamment lorsque nous apercevons de majestueuses cascades, que nous rencontrons des ouvriers d’une fabrique de caoutchouc naturel ou des cultivateurs de tabac vers Phu Tuc.
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Mais, le répit à nos sombres réflexions n’est que de courte durée. L’ombre de la fin plane inexorablement. Cela nous rend d’humeur taciturne.
Alors, il suffit d’un rien pour nous faire exploser. « Le peu » qui met le feu aux poudres vient d’une piste sablonneuse, rocailleuse et quasi impraticable dans la région de la MRron. Chacun de nous deux est tellement en colère qu’aucune communication n’est possible. L’un comme l’autre, on serait prêt à s’abandonner là au milieu de nulle part ou bien à s’entretuer. Aussi, afin de ne pas commencer une carrière de criminelle en plus d’avoir été clandestine, nous prenons l’unique décision sensée : nous poursuivrons notre chemin, chacun de notre côté jusqu’à Da Nang. Pour des raisons diverses, nous avons besoin d’être seuls avec nous-mêmes. Toute compagnie en dehors de celle de la route nous est insupportable.
Je passe donc les deux derniers jours en communion avec mes pensées, mon destrier et l’asphalte. Au fil des 350 kilomètres qui me séparent de Da Nang, je me remémore chacun des moments de mon voyage initié le 8 octobre 2019, il y a plus de 850 jours.
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J1 – 15/02 : HCMC => La Gi : 207 km
J2 – 16/02 : La Gi => Mui Ne : 90 km
J3 – 17/02 : Mui Ne => Phan Rang : 146 km
J4 – 18/02 : Phan Rang => Da Lat : 103 km
J5 – 19/02 : Dalat => Lac Duong : 30 km
J6 – 20/02 : Lac Duong => MDrak : 175 km
J7 – 21/02 : MDrak => Phu Tuc : 70 km
J8 – 22/02 : Phu Tuc => La MRon : 60 km
J9 – 23/02 : La MRon => An Khe : 80 km
J10 – 24/02 : An Khe => Quang Ngai : 200 km
J11 – 25/02 : Quang Ngai => Da Nang : 145 km
Total : 1307 km
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Une fois arrivée à Da Nang, le 25 février au soir, il ne me reste plus que 60 h avant le décollage. Je déteste les au revoir. Ceux qui me connaissent savent pertinemment que je ne me retourne jamais lorsque je pars, car j’ai le cœur déjà suffisamment serré pour ne pas en rajouter.
Alors, pour alléger mes tristes et pesants sentiments, je cherche à me persuader que ce n’est que des « à bientôt ». Je fais un saut en France et je reviens. Je tente d’accrocher un sourire à mon visage. J’essaie de partager quelques moments insouciants avec mes familles d’adoption de Da Nang et Tam Ky, mes amis et évidemment avec mon acolyte de reportage qui, tout comme moi, s’est calmé depuis La MRon.
Lundi 28 février 2022, alors que le soleil se lève à peine, je jette un dernier regard sur la baie de Da Nang. Je me remémore mes deux années passées ici, la multitude de sentiments, d’événements que j’ai vécus. J’ai le cœur lourd, les tripes retournées et des larmes coulent.
À 7 h 10, je suis dans l’avion : première étape Saigon, puis Singapour, Paris et enfin Toulouse. Un nouveau chapitre va s’ouvrir dans 30 h…
5 commentaires
Sylvie Kandel
Ravie d’avoir des nouvelles…il y a longtemps…bon tu poursuis tes voyages mais je ne suis pas bien là chronologie…pas grave. Merci pour les reportages..bises
Sylvie K
Sylvie Kandel
J’éspère que tu as reçu mon message!
Baloo
Bonjour Sylvie,
Oui, j’ai bien reçu ton message et je t’en remercie.
Effectivement, il y avait longtemps que je n’avais pas écrit… Entre mon retour en France en mars 2022, un certain nombre d’obligations lorsque j’y étais pour préparer mes projets/ mon retour en Asie puis ma chute et mon opération du dos en août 2022 à Bangkok, le temps a filé. Je reprends donc actuellement mes aventures là où j’avais plus ou moins arrêté d’écrire, c’est-à-dire en janvier 2022. Je suis en train de remonter le temps et d’ici quelques semaines, mes écrits devraient arriver en 2024.
A bientôt. Bises.
stephane
Images splendides. Bonne anniversaire !
Baloo
Merci beaucoup petit chat.