Histoire d'une chute

Histoire d’une chute : dégringoler – 2nde partie

De retour à Bangkok le 4 janvier 2023, je n’ai pas voulu séjourner de nouveau au Citrus. Il y a trop de souvenirs là-bas. En plus, j’ai la sensation irrationnelle que réintégrer cet endroit sera de mauvais augure. La dernière fois, cela s’est conclu par une opération. J’aimerais autant éviter un bis repetita. Alors, je prends mes quartiers pour plusieurs semaines dans un hôtel situé à 3 km de l’hôpital dans un environnement 100 % thaï ou presque. Je ne veux pas reproduire les quatre mois précédents où tout tournait autour de Bumrungrad. Pour ce faire, la seule idée qui me vient, c’est de mettre une distance géographique conséquente entre mes deux « maisons ».

Une fois installée, l’inquiétude des examens à venir se fait de plus en plus prégnante. Ce n’est pas anodin de consulter un neurologue. Heureusement, le même jour le Dr S. et le docteur P. me reçoivent. Ils pourront m’épauler et me conseiller si besoin.

Lorsque je rencontre le neurologue le 6 janvier à 10 h 20, il a déjà pris connaissance de mon imposant dossier. Il me fait brièvement parler de mes antécédents médicaux, de mes symptômes. Puis, il enchaine directement, sans que je voie la comparaison entre les choux et les carottes, avec les différents types d’attaques cérébrales et leurs signes avant-coureurs. Il m’explique la distinction entre l’AVC ischémique, l’AVC hémorragique et l’AVC ischémique transitoire. Rien que d’entendre le mot AVC, je blêmis et je serre Baloo de toutes mes forces dans ma main afin qu’il me donne du courage et que je ne craque pas. Puis, il me demande d’analyser un schéma et identifier quelles sont les manifestations vécues et leurs fréquences.

Seuls les aspects maux de tête, vertiges, vision trouble ressortent. Il me questionne longuement sur toutes les autres indications du graphique, reformulant à chaque fois sa demande pour être certain que j’ai bien compris. Invariablement, ma réponse reste la même : « NO ! Never happened! ». Et à chaque négation, j’ai l’impression qu’il se détend ou peut-être est-ce moi. Est-ce une bonne nouvelle ? Oui ! Les signes critiques sont identifiés par les lettres F-A-S de l’acronyme « BE FAST : Balance, Eyes, Face, Arm, Speech, Time » et je n’en ai aucun !

Puis, il examine mes réflexes, si ma force musculaire est similaire des deux côtés, ma stabilité, mon rythme cardiaque, mon état général…

À l’issue de cette consultation, il me dit que de son point de vue, c’est beaucoup trop tôt pour me faire passer une IRM cérébrale. Il ne pense pas que mes troubles soient d’origine neurologique. En revanche, il m’invite à reprendre la kinésithérapie de manière assidue, de faire de l’exercice quotidiennement et de prendre rendez-vous avec un ORL spécialiste de l’équilibre et un ophtalmologiste. Pas d’IRM, pas de risque neurologique, je l’embrasserais presque. Après la frayeur d’avoir commencé l’entretien par l’AVC, quel soulagement !

Sereine et légère, je me rends à mes autres consultations du jour : le Dr S. et le Dr P. et ses aiguilles. Mes médecins sont heureux sans vraiment l’être de me revoir. Tous les deux me demandent : « qu’est-ce qui vous arrive ? pourquoi êtes-vous de retour parmi nous ? » Alors, à chaque fois, je leur raconte les différents épisodes de vertiges et de malaises. Le Dr S. examine mon dos, ma mobilité, mon niveau de douleurs. De son côté, tout va bien. Il me recommande de poursuivre mes investigations en ayant le Dr P. comme référente.

Le Dr P. adhère au point de vue du neurologue. Il faut d’abord exclure de potentielles pathologies provenant des oreilles et des yeux. Elle me prescrit également des séances de physiothérapie à effectuer a minima trois fois par semaine en y ajoutant des sessions de neurostimulation du nerf vague à l’aide d’ultrasons. Et sans attendre, elle sort ses aiguilles. Objectif du jour : débusquer tous mes « Charlie », communément nommé triggers points et « secouer » mon système nerveux autonome dysfonctionnel ! Joyeux programme !

Je recommence donc, à regret, mes allées et venues plus que régulières à l’hôpital. Mes kinésithérapeutes jouent toujours avec moi au « Docteur Maboul ». Inlassablement, ils échouent. Aussi, ils ajoutent de nouveaux passe-temps visant à me faire travailler ma stabilité. Je dois rester immobile sur une jambe, faire des mouvements de pendule ou me prendre pour une horloge, marcher sur une poutre, tenir en équilibre sur une planche posée sur une demi-sphère… Constamment, je perds mon aplomb au bout de quelques secondes. À force, cela me déclenche des vertiges, des maux de tête. Ces exercices me vident de toute mon énergie en moins de temps qu’il faut pour le dire. Nous poursuivons alors par la neurostimulation du nerf vague pendant une demi-heure. Une fois terminée, ma récompense est d’aller m’allonger sur des poches de gel froides et m’endormir.

En dehors de ce rituel plurihebdomadaire, j’ai ma première consultation avec une ORL le 10 janvier. Après une brève auscultation, elle conclut que des examens beaucoup plus poussés doivent être menés rapidement. Les rendez-vous sont fixés pour le 14. Je dois être à jeun depuis plus 12 h avant de me présenter et je ne dois avoir pris aucun médicament. On m’a prévenu, les tests peuvent me faire tourner de l’œil et rendre tripes et boyaux. Encore une belle journée en perspective !

L’ORL choisit de commencer par l’examen le plus pénible : la vidéonystagmographie, VNG pour les intimes. Cela consiste à analyser le fonctionnement de mon oreille interne en mesurant les mouvements des muscles oculaires. Je ne comprends pas pourquoi ce serait difficile. Je suis assise confortablement dans un fauteuil inclinable, dans le noir, avec une paire de lunettes protectrices sur les yeux. Je dois juste surveiller la petite lumière rouge qui bouge sur une barre en face de moi. Rien de complexe ! L’exercice se poursuit en me changeant de position : différentes postures assises, étendue sur le côté gauche, le côté droit et à plat. Facile !! Aussi, je me demande pourquoi on m’a mise en garde et informée que je pouvais vomir. Tout cela me semble tellement simple. La journée sera donc moins pire que prévu. Alléluia !!!

Puis, on m’injecte de l’air frais, puis chaud et de l’eau fraîche puis chaude dans chaque oreille. Et là, c’est le drame ! Immédiatement, j’ai des étourdissements. La pièce tourne autour de moi. J’ai l’impression d’être dans une boule secouée dans tous les sens. L’infirmière me dit de fermer les yeux, mais c’est pire. Puis, de fixer intensément la petite lumière rouge et, comme par miracle, ça passe.

Le praticien me laisse 5 – 10 minutes pour que je me remette de mes émotions, et j’enchaine. Le prochain examen, c’est celui de posturographie dynamique. J’enfile un harnais d’escalade et je suis maintenue par deux sangles attachées en haut de la cabine de test. Cet exercice-là est plutôt marrant. Je me sers de mon corps comme d’un joystick pour rejoindre les points qui s’affichent sur l’écran en face de moi. Parfois, la plateforme sous mes pieds bouge. Je dois garder la position ou bien je dois dessiner un rond ou un carré en déplaçant simplement le poids de mon corps en avant, en arrière, à gauche ou à droite. Cela me fait rigoler. Je peux observer en direct mes mouvements et mes professeurs de géométrie me diraient que j’ai à peine des bases de CE1 — CE2 en matière de respect des formes.  

Je poursuis avec un audiogramme pour analyser mon audition. Elle n’a pas changé depuis mon accident de plongée il y a 25 ans. J’entends toujours aussi bien.

Et enfin, je termine par une électrocochléographie qui permet de savoir si la cochlée fonctionne normalement. Je connais déjà ce test, il est sympa. Allongée avec des écouteurs intra-auriculaires et des électrodes autocollantes sur le front, je dois fermer les yeux et essayer de m’endormir. Je ne dis jamais non à une bonne sieste. 😉

Après tout cela, je retrouve l’ORL. Sa conclusion : « Tout va bien. Aucun problème détecté. Poursuivez vos investigations avec l’ophtalmo. Allez le voir tout de suite de ma part, il identifiera les examens nécessaires et les planifiera. Vous gagnerez du temps. »  Je ressors 15 minutes plus tard avec 5 à 6 tests oculaires prévus le 1er février.

Malgré tous mes allers-retours à Bumrungrad et ma condition physique fluctuante, j’essaie d’avoir une vie un peu normale en me baladant dans Bangkok. Je ne veux pas céder à l’angoisse de l’incertitude de ma santé, de l’avenir et du reste. Aussi, je me focalise sur le positif. Et ce qui me met en joie, ce sont tous les préparatifs du Nouvel An chinois, le 22 janvier 2023. Ainsi, partout dans la ville fleurissent les décorations… et plus précisément celles de lapins. C’est le signe astrologique de cette année. En observant cette explosion de couleurs roses, rouges, acidulées, les illuminations, les lampions…, j’ai l’impression d’être dans une fête foraine tout droit tirée de Walt Disney. Je pourrais presque imaginer l’odeur des barbes à papa et des pommes d’amour si cela correspondait à la culture thaïe. Cela me fait immédiatement retomber en enfance et me donne de la force.

En fine stratège, je décide de limiter mon empressement afin de profiter de ces célébrations au maximum lorsque le moment sera venu. Or, le 20 janvier, après de longues séances de kinésithérapie et d’acupuncture, le besoin d’évasion est tel que je file en fin de journée à Chinatown.

Le réveillon est demain et tout est en place ou presque. Nombre de personnes font déjà des selfies avec des lapins et des dragons géants. Des femmes sont habillées de rouge. Certaines d’entre elles portent fièrement des robes chinoises. Leur joie, leur enthousiasme, leurs sourires sont communicatifs, vibrants. Môme de 4 ans, je ne sais où poser mon regard tant il y a de choses devant lesquelles s’émerveiller. Alors, pour la première fois depuis bien longtemps, je sors mon appareil photo. Je choisis l’objectif adéquat à la situation et je me mets en mode « reporter photo » afin de partager cette allégresse, cette énergie. J’oublie, mon dos, mes vertiges… Je me focalise uniquement sur l’instant, sur un superman chinois qui chante des musiques de pop américaine, la fièvre qui s’imprègne des rues.

Mais si je souhaite biffer tous les mois précédents d’un coup de crayon, mon corps me répond de façon très peu sympathique. Alors, à la première alerte, je décide de rentrer. Rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Le lendemain, après avoir passé la journée alitée et en limitant les efforts, je sors enfin à la nuit tombée direction « Yaowarat Road » ! Arrivée à la station de métro « Wat Mangkon », je suis emportée par une foule grandissante, enthousiaste, séduisante. Chinois, Thaïs, étrangers, nous sommes tous présents, sourires aux lèvres et étoiles dans les yeux, pour fêter et accueillir un nouveau commencement.

Mais prisonnière du flot, obligée de piétiner, je sens mes maudits symptômes s’installer. Je sais alors que pour être photographe, reporter ou tout simplement être présente ce soir, je vais devoir initier un bras de fer avec moi-même. Et j’ai décidé de gagner ! Aujourd’hui, ni mes crises ni mes troubles ne prendront le dessus. Il faut juste que je trouve le moyen de les tenir éloignés jusqu’au bout ! Je vais donc dans le 7 — Eleven tout proche et j’achète des shoots de sucre et d’énergie : red bull, coca, bonbons Haribo et amandes en plus de sachets d’électrolyte pour éviter une déshydratation.

Dotée de toutes ces « potions magiques », je m’assieds légèrement à l’écart sur une marche. Je prends une première dose de glucose et de taurine. Heureusement que je ne suis pas diabétique 😊, car ces friandises me font le plus grand bien. 15 minutes plus tard, mes batteries sont regonflées. Je saisis mon appareil photo et je m’élance.

Dans les rues réservées pour l’occasion aux piétons, mes pérégrinations suivent les sons des tambours. Tout comme les feux de Bengale qui résonnent et illuminent la foule et le ciel, ils sont le signe annonciateur des danses du dragon. Je reste ébahie devant la dextérité, la force et l’endurance de ces hommes. Certains sont encore de jeunes garçons, d’autres des adolescents. Ils mettent tout leur engagement physique pour présenter à un public ravi leur ballet acrobatique. Parfois, deux équipes de danseurs se croisent. La chorégraphie prend la forme d’un duel fraternel ou d’un jeu de « chat et de souris ». L’assistance est d’autant plus subjuguée. Et dès que la valse s’arrête, nombre des spectateurs se ruent pour faire des selfies avec les dragons et faire des offrandes.

Puis l’équipe fend l’assemblée pour continuer ses représentations un peu plus loin dans la rue. Mais il n’y a aucune tristesse quand ils s’en vont. Promeneurs et artistes savent qu’ils se recroiseront et rencontreront d’autres acrobates. Il doit bien y avoir plus d’une dizaine, peut-être vingt groupes de saltimbanques qui enflamment la foule dans tout Chinatown.

J’en profite pour contempler un type de spectacle différent : celui de la vie, des gens. J’observe les marchands ambulants, les vendeurs de street food sont assaillis. Puis je suis des yeux des hommes, femmes et enfants de tout bord et de toute origine, en famille, entre amis ou solitaire. Ils sont pour la plupart élégamment vêtus et coiffés de rouge et d’or. Je perçois la finesse avec laquelle ils se sont préparés pour l’occasion. J’ai souvent le sentiment de croiser des gravures de mode. Les flashs des téléphones et appareils photo qui crépitent me confortent dans cette idée. Pour moi, leur gaité dans une ambiance extrêmement bonne enfant où tout le monde se regarde avec bienveillance, sourire et joie est un hymne à la fraternité.

Alors, mes pas me mènent un peu plus loin dans le temple Bouddhiste Kuan Yim Shrine. C’est un haut lieu de pèlerinage, un sanctuaire au cœur de Chinatown, à quelques enjambées de la statue du Bouddha d’or. Selon les croyances, Kuan Yim (ou la Bodhisattva Guan Yin), déesse de la miséricorde, de la compassion, entend les prières et fait bénéficier aux hommes de son enseignement.

La ferveur, la foi enveloppent ce lieu. Je discerne toujours les tambours et la K-pop ou la T-pop qui rugissent des enceintes à plein volume, mais la spiritualité les intègre bizarrement dans un tout autre voyage. Je prends le temps de m’imprégner des senteurs de l’encens, des fleurs coupées pour les offrandes, du chant des prières silencieuses, de la chaleur des flammes des bougies allumées par centaines. Bouddha me semble présent. Alors, je range mon appareil et je me joins aux fidèles et je « médite » comme me l’avait appris Jaeb il y a trois ans de cela.

Puis, je retrouve la foule, le bruit, les festivités. Il est près de 23 h, je dois encore une fois m’asseoir sur une marche ou à même le trottoir. Mais j’ai avalé toutes mes réserves de friandises lors des précédentes pauses. Je me traine de nouveau jusqu’à un 7 — Eleven pour refaire le plein. Vers 23 h 30, mes shoots de sucre associés à ma posture de clocharde au pied d’une banque me permettent de me redresser.

Je continue mes déambulations, mais je ne sais où aller. Plus j’avance et plus les rues se vident. Où se sont donc envolés les milliers de personnes qui étaient présentes il y a moins d’une heure ? Nous sommes le réveillon du Nouvel An chinois, ne se passe-t-il pas quelque chose à minuit ? Où le flot d’individus a-t-il bien pu se rassembler ? Comment vais-je le trouver ? Je ne peux croire que tout le monde est rentré sagement chez soi. Alors, je continue à marcher au hasard.

Au fil de mon errance, je tombe sur eux. Enfin ! Comment ai-je pu ne pas y penser plutôt ? Wat Mangkon Kamalawat !!! C’est le plus grand et le plus important temple bouddhiste chinois de Bangkok ! Ils sont des centaines à attendre que les portes s’écartent pour entrer dans l’enceinte. Je patiente avec eux. Je suis la seule occidentale du lot ou presque. Cela fait sourire les fidèles et ils m’intègrent d’une certaine manière à leur communauté. C’est saisissant d’être accueillie ainsi par des inconnus simplement, car je respecte leurs coutumes et leurs traditions.

Cependant, le temple tarde à ouvrir et mes alarmes internes se font de plus en plus tyranniques. Jusqu’à présent, le bras « Mental » décline légèrement, mais, grâce aux bonbons Haribo, résiste face à son adversaire « Corps ». La partie de bras de fer n’est pas encore terminée, la main n’a pas touché le coussin, symbole de défaite. Consciente du match en cours et des forces et des faiblesses en présence, je sais que je dois bouger au lieu d’attendre et de piétiner. Alors à regret, je m’en vais. Je ne pourrais ni contempler ni participer à la procession de prières.

Dire que je suis triste de devoir quitter la cérémonie avant même qu’elle ne commence est un euphémisme. J’ai l’impression d’être une Cendrillon s’enfuyant aux douze coups de minuit. Mais ai-je été au bal ? Et ai-je rencontré le Prince ? Je décide de voir le verre à moitié plein. J’ai pu tenir jusqu’à maintenant. J’ai eu l’audace d’affronter mes troubles pour quelques photos et me sentir vivante. J’ai pu être ici pour admirer et fêter le Nouvel An chinois à Bangkok ! C’est tout ce que je voulais !

Aussi, je reprends la marche, mais ce coup-ci, en direction de mon hôtel. Pourtant, je laisse mes pieds, mon intuition me guider. Au bout d’une demi-heure, je tombe sur un temple bouddhiste chinois de quartier bondé. Dehors, il y a des vendeurs d’encens, d’offrandes, de bougies. Je reste quelques instants à observer leurs usages. Si je souhaite partager ce moment avec eux, je ne veux surtout pas les singer où que ce soit perçu comme tel. Comme si mon inquiétude se lisait, des jeunes me font signe d’approcher. Ils m’indiquent ce que je dois choisir et me font entrer dans le temple. Puis, des anciens me guident par le bras et m’initient à leur rituel. C’est fabuleux !

Je sors enivrée, hypnotisée, comblée par ce moment unique. Je mets quelques minutes à me rappeler où je suis. J’ai le sentiment d’avoir, l’espace d’un instant, voyagé vers d’autres cieux, d’autres univers. Quand, je reprends mes esprits, mon alarme interne hurle. Il faut que je saute dans un taxi rapidement et que je rentre. Comme d’habitude, j’ai poussé le curseur au maximum et j’ai atteint les limites critiques.

Le lendemain, je paie les folies de la nuit précédente. Je me lève douloureusement. Je tangue et me déplace dans ma chambre en me tenant aux murs. Alors, je reste alitée le temps nécessaire pour me rétablir. J’ai rendez-vous avec l’ami cardiologue de « Marsouin » et « Colibri » le soir même. Il est de passage à Bangkok avec sa femme. Il m’a proposé que l’on se rencontre pour évoquer mes soucis de santé et voir ensemble quelles peuvent être les solutions. Je n’ai jamais échangé en français jusqu’à présent avec un médecin. Je pense que c’est une véritable opportunité pour essayer de comprendre ce qui m’arrive et d’avoir un point de vue extérieur. J’ai besoin de savoir si j’ai raison ou tort de poursuivre mes investigations.

Lorsque nous nous rejoignons à 19 h dans un sky bar proche de leur hôtel, il me questionne sans détour sur tous les événements passés. Il veut connaître les circonstances qui génèrent les crises, l’ordre d’apparition des symptômes pour en dégager une sorte de patron, de modèle. Je réponds à chacune de ces interrogations avec nombre de détails. À l’issue de notre échange, il m’informe que pour certains individus, l’hypotension orthostatique est évolutive avec des régressions et des poussées. On ne sait pas pourquoi ce trouble se déclenche ni quand ou comment la situation revient à la normale. Je dois être patiente et vivre cela avec philosophie. Cependant, il me conseille aussi de poursuivre mes investigations afin de ne rien rater d’important. Puis, nous pouvons enfin parler d’autres choses, de voyage, de la Thaïlande, du Laos, de la vie. Nous prévoyons de nous revoir le lendemain. Je ne conçois pas que notre rencontre se limite à une consultation médicale.

Ainsi, je les emmène à Benchakitti Park, à Lumpini Park et nous concluons notre exploration en allant diner à Chinatown. C’est la dernière soirée de festivités du Nouvel An chinois. Je tiens à leur faire partager ce qui m’a tant plu et ému et également à en profiter encore une fois.

Dès que je rentrerai à l’hôtel, je sais que je vais accuser le coup de mon insouciance déraisonnable des jours précédents. J’ai conscience que je serai obligée de rester allongée, de limiter mes efforts et de sortir uniquement pour mes séances de tortures à l’hôpital. Dans ce contexte, un peu plus, un peu moins, ça ne change plus rien maintenant…

Alors, autant s’amuser avant de m’enterrer !

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