Les portraits de Baloo

Les rencontres de ma moto – Thu & Minh

Aujourd’hui, je sors d’une torpeur installée par cinq semaines de confinement. C’est l’anniversaire de Pi demain, jeudi 17 juin, à Tam Thanh et des amis font un pot de départ samedi à Hoi An. Mon destrier vient de se refaire une beauté. Il est temps de rouler.

Ma monture me conduit sans encombre. Les retrouvailles avec Nguyen et sa famille sont chaleureuses et évidentes. À tel point que je me dis qu’au lieu de rentrer à Da Nang, je vais revenir à Tam Thanh après la soirée à Hoi An. Là encore, on rigole, on discute. Même si le départ de mes amis est proche, l’ambiance est très bon enfant. Ayant une heure de route pour retourner à Tam Thanh, je ne m’attarde pas. À 21 h, je reprends le chemin de mon petit paradis retrouvé.

J’ai à peine fait trois kilomètres lorsque je sens qu’il y a un problème avec mon pneu arrière. Mon destrier peine, ne file plus droit, cahote. Je m’arrête. Je regarde. Il est légèrement dégonflé, mais pas à plat. Tout doucement, je me mets à la recherche d’un garagiste. Tout est fermé. J’aperçois dans la cour intérieure d’une maison une pompe à air. Je leur demande si je peux l’utiliser. Thu, une jeune mère de famille de trois enfants vient à ma rescousse. Elle est d’abord étonnée que je conduise un tel engin puis sollicite son mari pour m’aider. Il fait le nécessaire, mais Thu remarque que c’est plus grave que cela. Elle me dit de m’installer chez elle le temps qu’elle appelle un garagiste et qu’il répare.

En cinq minutes, je suis l’attraction de toute la petite famille. Leur curiosité monte d’un cran quand ils apprennent que je suis française. Les hommes regardent le match de l’Euro, France — Hongrie. Ils m’offrent une bière et me proposent de me joindre à eux. Nous sommes menés 1-0. Ils font des commentaires sur l’équipe de France. Ils en appellent à mes connaissances footballistiques et me demandent mes impressions. Elles sont quasi inexistantes, mais je ne peux pas le dire. J’improvise. Je me remémore alors mes souvenirs de matchs en famille ou dans des pubs. Je bredouille quelques mots. Je me dis confiante. Ils sont heureux.

Les enfants de Thu me tournent autour, j’en profite pour changer de sujet et jouer avec eux. Ils sont fascinés par deux choses : mon casque de moto et mon pif. Ils s’interrogent : « pourquoi n’est-il pas plat ». Savez-vous répondre à cette question ? Pourquoi a-t-on un nez droit ? Pourquoi en existe-t-il de plusieurs formes ? Je lève les épaules et commence un embryon de raison. Mais, en fait, ce qui les intéresse ce n’est pas une explication, c’est d’appuyer dessus comme sur un buzzer. Ça nous fait rigoler. En parallèle, nous discutons à bâtons rompus avec Thu de la vie, de la pluie et du beau temps, de mes projets au Vietnam, de ses préoccupations et de son optimisme à toute épreuve.

Une heure plus tard, le diagnostic est posé par le mécanicien : mon pneu est tailladé. Impossible de mettre une mèche ou réparer ce soir afin que je rentre. Il faut le changer demain. Thu est inquiète pour moi et me propose de m’héberger chez elle. Je la remercie très sincèrement, mais je ne peux abuser. Je souhaite faire quelque chose pour elle et sa famille, mais elle me répond : « c’est un plaisir d’avoir pu discuter avec toi en anglais. Ça me suffit. C’est un cadeau. Cela faisait longtemps avec le covid. Cela me manquait ».

En bonne naufragée de la route, je fais l’appel à un ami. Mes potes ne sont pas loin. Ils viennent me chercher et me logent. En fait, pour nous tous, c’est une belle opportunité. On aura plus de temps ensemble avant le départ. Je me dis : « tu sais ma petite moto, tu n’étais pas obligée de crever pour m’envoyer le message… Mais, merci de l’avoir fait. Promis, dès demain, je prends bien soin de toi. »

Dès 8 h, je commence ma quête d’un pneu. La dernière fois, cela m’avait pris dix jours. Mon objectif : le trouver en 24 h. Défi conséquent d’autant plus que Da Nang vient de fermer de nouveau en raison de nouveaux cas de covid. J’appelle mes contacts à Da Nang, Hoi An et Tam Ky dans l’espoir d’une solution.

Garagistes, loueurs, amis, tous y passent. J’ai un peu honte de les ennuyer, mais tous répondent présents. Par hasard, je tombe sur Minh, il tient une boutique de motos. Il me dit de ne pas m’inquiéter qu’il s’occupe de tout. Effectivement, il prend les choses en main. Il fait appel à tout son carnet d’adresses et à 15 h il m’informe qu’il a trouvé le bon pneu.

Un seul problème, il est à Da Nang. Le fournisseur ne peut venir jusqu’à Hoi An à cause du confinement mis en place le matin même. De même, nous ne pouvons faire le trajet sans risquer de ne plus pouvoir sortir du périmètre. Une fois de plus, Minh me rassure, il y a forcément une autre option : un rendez-vous légèrement à l’écart d’un check-point. En tant qu’étrangère, il me déconseille de faire le chemin. Il ira pour moi.

À 21 h 30, après des dizaines de textos, je rencontre Minh. Il est fier de me brandir mon pneu tout neuf. Nous échangeons peu, il doit rejoindre sa famille. Quand je lui exprime ma plus profonde gratitude, il répond simplement : « Heureux d’avoir relevé le challenge. Ravi d’avoir pu être utile. À bientôt ». J’en reste bouche bée. Cet homme que je ne connais pas s’est démené pour moi. La seule chose qu’il lui importait était de me venir en aide. Je lui propose de prendre un café, une bière, de le dédommager pour son temps et ses recherches. Il répond simplement : « C’est un plaisir de rendre service, c’est suffisant ».

Cela fait plus de quinze mois que je suis au Vietnam et je suis toujours émerveillée par une telle gentillesse, solidarité, chaleur humaine…

Ces belles rencontres dues à ma moto me rappellent sans cesse que si nous sommes attentifs, nous pouvons faire ces découvertes dans notre quotidien ici comme ailleurs. Il suffit d’être ouvert à l’inconnu. Pour ma part, je garde entre autres, précieusement dans mon cœur, les sourires de Thu et Minh et une photo rigolote de cette épopée (Merci Pascal!).

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